Des nombres et des pourcentages

Avant d’aborder mon sujet principal, voici une blagounette : 20, 100, 1 000 ânes dans un pré et 120 dans l’autre. Combien y a-t-il d’ânes ? C’est pour moi un très ancien souvenir d’enfance. Il m’a fallu du temps avant de comprendre. Sans doute ai-je un cerveau lent, et non pas un cerf-volant, même si mes pensées et mes idées ont souvent tendance à s’envoler dans le vent, comme des carrés de tissu ou de papier, qui ne seraient plus rattachés à leurs fils… La réponse est qu’il n’y a qu’un seul âne. Et qu’il faut toujours bien écouter la question.

Ceci n’était qu’un prélude. Voici maintenant l’histoire que je voudrais raconter aujourd’hui. Il était une fois deux vieux compagnons qui partaient en promenade. Ils se connaissaient depuis fort longtemps et étaient souvent partis en balade ensemble. Tous deux aimaient marcher et avaient l’habitude de discuter en chemin. Ils n’étaient pourtant pas d’accord si bien que leurs conversations tournaient souvent à la chamaillerie.

En parcourant la campagne, le premier se montrait toujours obnubilé par la question « combien ? ». Combien d’ares ou d’hectares pour les champs, les vergers ou les vignes ? Combien de bêtes dans le troupeau ? Il se montrait intarissable. On traversait une forêt, il comptait les troncs d’arbres. Au bord de la mer, il imaginait le nombre de poissons. Et ainsi de suite. À croire qu’il n’avait d’autre intérêt que de compter tout ce qu’il voyait.

Ce qui compte, c’est de compter (ou de conter 😉 )

Et son compagnon lui rétorquait : dénombrer, mesurer, quantifier, c’est bien joli, mais après ? Que fais-tu de tous ces nombres ? À quoi cela te mène-t-il ? Les nombres en eux-mêmes ne disent pas grand-chose. Et puis, il convient de ne pas mélanger les torchons et les serviettes ou comparer les choux avec les carottes ! Il est utile de re-la-ti-vi-ser.

Calculer des valeurs relatives, cela permet justement de comparer. Plutôt que de se limiter à ne toujours qu’additionner, calculons aussi des proportions. Utilisons la fameuse et fabuleuse règle de 3 et établissons des pourcentages. Revenons aux fondamentaux, appris entre les dernières années d’école élémentaire et les premières du collège.

Par rapport à quel ensemble le ratio est-il calculé ?

Cependant, dans un ratio, ne jamais perdre de vue l’ensemble dont il est question. Juste un exemple : on a pu lire ou entendre des commentaires sur le nombre élevé de vaccinés parmi les patients admis dans les services d’urgences, présenté comme une « preuve » de l’inefficacité du vaccin. Or, si ce nombre est élevé, cela tient surtout au fait que le taux de vaccination dans l’ensemble de la population est désormais lui-même élevé. Cela provient du paradoxe de Simpson

Et la discussion se poursuivait sur les avantages comparés des grandeurs absolues et des grandeurs relatives… Les deux comparses argumentaient sans fin. Ils étaient chacun tellement obnubilés, l’un par les nombres, l’autre par les pourcentages, qu’ils ne voyaient plus que les deux mesures étaient indispensables et complémentaires. À elles deux seulement, elles constituaient les outils essentiels du statisticien.

Toute étude construite à partir d’outils plus complexes et de techniques plus élaborées, décompositions, répartitions, calculs croisés, analyses de flux, processus itératifs et autres algorithmes, ne saurait se passer de ces deux piliers, qui permettent d’établir clairement de quoi l’on parle.

Et la poésie dans tout ça ?

Quant à moi, j’ai relevé mon défi : celui d’écrire une page entière parlant de chiffres, sans en citer un seul (à part les quelques-uns de la blagounette du début, mais ce n’était pas de vrais chiffres 😉 ) Et si j’étais partie en balade avec nos comparses, plutôt que de discutailler sur les avantages comparés des nombres et des pourcentages, j’aurais préféré me laisser charmer par la poésie du chemin, la caresse de l’air, l’odeur de la terre, le chant des oiseaux, la vastitude des paysages… Mais cela aurait été une autre histoire…

Et en guise d’illustrations, je ne résiste pas à l’envie de vous montrer ces quelques photos magnifiques, tirées du non moins magnifique film Antoinette dans les Cévennes, dans lequel un âne joue un rôle central, comme dans le préambule de mon histoire.

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2 commentaires sur “Des nombres et des pourcentages”

  1. Bravo Isabelle et merci pour tes comptes et contes !
    tu peux recommencer,car j’aime beaucoup les ânes, les vrais,
    pas les humains, qui sont si nombreux qu’ils ne sont que des sous-ânes.

    Jean

    1. Merci, Jean, pour ton commentaire. Cela me touche de savoir que des humains qui sont à l’opposé d’être des ânes lisent et apprécient mes histoires.

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